FETE DE FAMILLE de Cédric Kahn
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Une journée festive bien tumultueuse
« Fête de famille » nous plonge dans le tourbillon enivrant de retrouvailles familiales à l’occasion de l’anniversaire de la matriarche de la famille, Andrea (Catherine Deneuve). Une belle journée s’annonce et avec elle, une surprise étourdissante.
Le réalisateur Cédric Kahn présente ses protagonistes en filmant l’arrivée des invités dans l’antre familiale : les deux fils d’Andrea, Romain (Vincent Macaigne) et Vincent (Cédric Kahn), le premier accompagné de sa petite amie du moment, le second de sa femme et ses deux enfants. Andrea et son mari les attendent avec Emma (Luàna Bajrami), adolescente installée à demeure, et son petit ami. Le soleil est au rendez-vous. Jusqu’à un coup de fil déroutant : Claire (Emmanuelle Bercot), la fille aînée d’Andrea (née d’un premier mariage), est de retour et a besoin que l’on vienne la chercher en voiture. Alors que se manifeste cette présence inattendue, des trombes d’eau se déversent précipitamment sur le beau jardin champêtre, bouleversant le déjeuner en herbe qui se préparait. Est-ce le signe d’un chamboulement où le désordre et la discorde vont bientôt s’immiscer ?
Cédric Kahn désirait faire son « Festen », avec sa singularité propre. Il avoue à la fois affectionner les réunions de famille mais aussi les appréhender : « c’est délicieux et insupportable » (« Le journal des femmes »), dit-il.
Nous nous définissons tous à travers la famille, que l’on s’y complaise ou pas, que nous la fréquentions ou pas, que nous la détestions ou pas. Les traces affectives et éducatives reçues sont intrinsèquement liées à notre personnalité. Comme le précise le cinéaste, la famille, « on ne la choisit pas tout comme on n’y choisit pas la place qui nous est allouée. Dans le film tout se rejoue comme dans l’enfance. » Cette question de « place » est au centre des relations entre les personnages de « Fête de famille ». Et cette journée particulière retrace les conséquences du retour de l’absente, celle qui n’est plus revenue depuis trois ans : Claire. L’aînée de la fratrie va exhiber les tabous familiaux et les ressentiments de chacun. Elle est le noyau qui met en exergue toutes les tensions, en prenant dès le départ comme point de discorde la vente de cette belle maison où ils sont tous réunis. Car Claire est venue récupérer son héritage, c’est-à-dire l’argent que lui a laissé son père décédé lorsqu’elle était jeune et que sa mère a investi dans cette demeure. Mais le plus terrible c’est que le spectateur découvre une femme blessée, tourmentée, à la fois puissante et fragile, avec des excès de folie qui nous interrogent. Ce qui fait naître un sentiment de gêne et de trouble face à cette attitude tourbillonnante et vertigineuse, qui déferle avec une intensité hallucinante.
Quant aux deux frères, ils ont des personnalités littéralement opposées qu’ils entretiennent depuis leur enfance. D’un côté le bohème artiste incompris, de l’autre l’homme qui a réussi, sérieux et mesuré. Mais la part belle, le cinéaste la consacre joliment aux femmes : trois générations, avec des natures féminines touchantes, émouvantes. Au côté de Claire, sa mère Andrea qui ne désire qu’une chose : tenter de garder une certaine harmonie durant cette journée tempétueuse, ce qui paraît bien compliqué. Et puis il y a Emma, élevée par ses grands-parents mais fille de Claire. L’adolescente est en colère, perturbée par l’apparition de sa mère.
Comme au théâtre, l’intrigue se joue dans une unité de lieu et de temps. Avec une prédilection pour une fixité des cadrages lorsque les scènes de groupe se jouent devant le spectateur. C’est le cas pour les scènes de repas où Cédric Kahn utilise le plan séquence : elles sont brillamment orchestrées mais sont le fruit d’un travail conséquent en amont. Comme l’explique le réalisateur sur France Culture : « C’était très écrit, comme une partition, avec une espèce de crescendo ; le défi est qu’on ne sente pas cette écriture à l’image, que tout ait l’air très spontané, organique. C’est vraiment la grâce des acteurs qui permet de rendre vivante une chose extrêmement écrite. » C’est pour cette raison que C. Kahn a pensé que ces scènes n’étaient pas concevables avec de l’improvisation. Il a donc organisé des lectures avec chaque comédien afin qu’ils aient la possibilité de réinterpréter les dialogues, de composer des rectifications en rapport avec leur ressenti. Un acteur comme Vincent Macaigne a greffé ses propres idées dans cette phase de réécriture. Quelquefois les comédiens n’ont presque rien changé. Toute cette préparation a permis aux acteurs d’éprouver une sensation de liberté au cours du tournage : ils avaient déjà en eux leur personnage. Quant aux positions de caméra, elles sont également le fruit d’une préparation intense. Le cinéaste a travaillé en amont avec le chef opérateur Yves Cape, la directrice de production et son assistant, pour faire des répétitions de la globalité du scénario au sein même du décor. Dès le début du tournage, il connaissait déjà ses emplacements de caméra avec précision. Ces plans séquences oscillent naturellement avec des plans en mouvement plus courts mais au bout du compte le cinéaste a tourné en coupant peu, le montage ayant été in fine moins complexe puisque déjà méticuleusement pensé au préalable. Avec pour moteur de dépeindre une famille un peu cinglée mais toutefois allègre, laissant manifester les sensibilités et les excentricités de chaque individualité. Cédric Kahn explique : « Ils ont entre eux des rapports très durs, très cash, se balancent parfois des choses terribles, mais c’est leur façon à eux de s’aimer. Je voulais que ce soit très vivant, très tripal, avec des enfants qui ne se tiennent pas, boivent du vin, grimpent sur les tables, des adultes qui se conduisent comme des enfants, une vraie liberté de ton. » (France Inter) Et cela avec un vrai questionnement sur cette fameuse place que chacun tient au sein d’une famille. Pour le cinéaste son film est « un peu comme une pièce de théâtre où chacun doit jouer son rôle (…) et que les rôles se redistribuent en plus de façon quasi-automatique et on aurait beau vouloir de temps en temps être à côté ou être l’autre, ça ne marche pas. On est très très vite remis à sa place. Il y a le dingue, il y a l’artiste et il y a celui qu’assure qui est joué par moi ; le père qu’a pas le droit au chapitre… c’est très compliqué de changer la donne et je pense que ça participe à la fois du comique et du tragique de la situation. » (Vertigo sur RTS)
« Fête de famille » est un film où les relations sont houleuses, explosives, viscérales, extravagantes, sensibles et sentimentales, avec une pointe de piquant et un soupçon de folie. Deux chansons y accompagnent les personnages : « L’amour, l’amour, l’amour » de Mouloudji et « Mon amie la rose » de Françoise Hardy qui rappelle tant les vagues à l’âme de Claire…
On est bien peu de choses
Et mon amie la rose
Me l’a dit ce matin
(…) Je me suis épanouie
Heureuse et amoureuse
Aux rayons du soleil
Me suis fermée la nuit
Me suis réveillée vieille
(…) Et je sens que je tombe
Mon cœur est presque nu
J’ai le pied dans la tombe
Déjà je ne suis plus
(…) Et je serai poussière
Pour toujours demain
(…) Moi j’ai besoin d’espoir
Sinon je ne suis rien
Date de sortie : 04/09/2019 - Réalisé par Cédric Kahn - Scénario : Cédric Kahn, Fanny Burdino, Samuel Doux - Directeur de la photographie : Yves Cape - Production : Les films du Worso - Coproduction : France 2 Cinéma, Tropdebonheur Production, Scope Pictures - Distributeur France : Le Pacte - Distribution : Catherine Deneuve, Emmanuelle Bercot, Vincent Macaigne, Cédric Kahn, Luàna Bajrami, Laetitia Colombani, Isabel Aimé Gonzales Sola, Alain Artur
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